vendredi 24 juin 2011

On Chesil beach

Un jeune couple de fiancés, qui vient juste de se marier. Edward et Florence ont su respecter jusqu'à ce jour les règles élémentaires du flirt, des fiançailles, du mariage. Ils arrivent naturellement vierges à leur nuit de noces.

Nous sommes dans l'Angleterre du début des années 60, avec ses préjugés et ses tensions culturelles et sociales. Quelque part entre l'austérité victorienne dominante des familles éduquées et bien-pensantes, la spontanéité un peu rustre d'un jeune instruit en mal de reconnaissance dont l'attitude trahit pourtant l'origine rurale, et l'arrivée prochaine, que l'on imagine, de la déferlante culturelle et de la libération sexuelle de la fin de la décennie.

Une nuit. Une seule nuit aura suffit à rompre définitivement ce couple, traversé puis brisé par les attentes sociales et physiques accumulées et incomprises de chacun, par les malentendus, par les rancœurs , par les règles du savoir-vivre, par la conception de ce que chacun se fait de l'amour.

Cette explosion, cette combustion si rapide de tant de promesses vaines et sincères, conduit Edward et Florence à déchirer l'avenir qu'ils avaient dessiné, chacun dans sa tête. Une seule maladresse aura eu raison d'un lien que l'on croyait noué pour la vie. Cette déchirure, la nuit sur la plage de Chesil, apparaît étrangement  aussi inattendue que normale.

L'écriture de Ian McEwan est brillante, précise, ciselée. Ce roman (Sur la plage de Chesil, éd. Gallimard) se lit d'une traite. Il est un collier magnifique d'accélérations et de lenteurs calculées.

"Lorsqu'il pensait à elle, il n'en revenait pas d'avoir pu laisser partir cette jeune femme et son violon. A présent bien sûr, il se rendait compte que sa proposition de s'effacer pour lui laisser sa liberté était assez insensée. Elle voulait juste avoir la certitude qu'il l'aimait, être rassurée, l'entendre dire que rien ne pressait puisqu'ils avaient la vie devant eux. Avec de l'amour et de la patience - si seulement ils avaient avoir pu les deux en même temps -, sans doute auraient-ils surmonté cette épreuve ensemble. Qui sait alors quels enfants jamais nés auraient pu avoir leur chance, quelle gamine avec un bandeau dans les cheveux aurait pu devenir sa fille chérie ? Voilà comment on peut radicalement changer le cours de sa vie : en ne faisant rien. Sur la plage de Chesil il aurait pu appeler Florence, s'élancer pour la rattraper. (...) Au lieu de quoi il était resté là, glacial et muet, sûr de son bon droit, dans ce crépuscule estival, à la regarder fuir le long de la grève, tandis que le bruit de sa course laborieuse se perdait dans celui du ressac, jusqu'à ce qu'il ne reste plus d'elle qu'un point flou, toujours plus petit, sur l'immense route de galets, droite et luisante dans la lumière blafarde. "
Ar Meilher, Les pensées du meunier.

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