mardi 28 février 2012

Alan Stivell à l'Olympia

Plongé au milieu des fragments éphémères de sa mémoire, Paul se souvenait. Un flash involontaire, comme une certitude et une confiance complète en lui : il en était certain, cela faisait quarante ans aujourd'hui !

Il y était ce soir-là, parmi les centaines de personnes venues assister à un spectacle improbable : le saint des saints de la variété française accueillait pour une soirée unique l'étoile montante de la pop celtique, jusque là inconnue des médias hexagonaux.

Il se souvenait avec détail de l'ambiance inattendue et désormais irréelle qui réunissait alors les familiers de l'Olympia et les habitués de Ty Jos, les vestes en flanelle et les kabigs...

Il se souvenait aussi de la difficile cohabitation de ces publics aussi divers, de ce plinn dansé avec ferveur par des dizaines de bretons enthousiastes au pied de la scène, cachant le spectacle et se faisant rabrouer par quelques habitués du lieu venus écouter sagement assis un spectacle qu'ils imaginaient ordinaire.

Ah oui, la cohabitation de cette double culture à la fois bretonne et parisienne dans ce music hall le soir du 28 février 1972, Paul s'en souvenait bien. Depuis sa propre origine, il la contenait en lui-même.

Paul se demanda ce qu'il restait aujourd'hui dans la capitale de ce sillage breton. Probablement peu de choses dans un quartier de Montparnasse orienté désormais vers de nouveaux destins. Mais pop plinn à l'Olympia résonnait encore dans sa mémoire. Il eut un sourire et referma pour aujourd'hui son livre intérieur.

Yann, Soñjoù ar meilher.

dimanche 26 février 2012

Des lucarnes ouvertes sur de si nombreux continents


De nombreux mails et quelques commentaires. Merci à toutes et à tous pour vos avis qui m'encouragent à poursuivre. Je ne vais pas disserter sur le statut des blogs, et sur les risques qu'ils portent en eux de dévoiler leurs auteurs au-delà de la pudeur culturelle que la société impose à chacun quand il s'exprime publiquement.

Je maintiens qu'en matière de culture, les repères reculent régulièrement. Dans la société pasteurisée et mondialisée qui nous attend, il n'y aura plus de place pour un Vladimir Nabokov, un Charles Bukowski, un Robert Mappelthorpe, un Marcel Gotlieb. Plus de place non plus pour les langues et cultures dites "minoritaires" qui sont l'héritage de la diversité humaine et du parcours de l'Homme sur notre planète.

Ne resteront que des langues utiles et peu nombreuses, des sabirs économiques et formatés, des pensées convergentes, des points de vue qui ne se discuteront plus parce qu'ils seront les seuls à être. De Master Chef en Marc Levy, nous serons sages et bien élevés.

Parfois heureusement, nos continents personnels se détachent de cette Pangéa, et dérivent vers des destinations inconnues. Nul doute que les juges de la bonne conduite diront encore et encore comment bien piloter ces trajectoires erratiques. Laissons-les à leurs aboiements qui résonnent dans les silos culturels.

Ces mouvements tectoniques sont personnels mais ne sont pas des enfermements. Les écrivains, les photographes, les cinéastes qui dérangent ont toujours été ouverts aux autres, se sont fécondés des idées des autres et ont toujours envoyé à tous, comme en écho, les pensées et les lumières que la société policée ne peut plus s'exprimer à elle-même.

Les pensées du meunier n'ont pas une telle prétention. Mais si, comme l'écrit Ólöf, le blog, c'est la liberté, la seule contrainte étant celle que s'impose son auteur, alors je vais encore laisser un peu ma lucarne ouverte. Un petit peu.

Yann, Soñjoù ar meilher.

lundi 20 février 2012

La fin ?

Grosse discussion, hier, au café littéraire de proximité. Pas sur la vie, l'amour, la mort, les trucs un peu importants. Non, sur le blog du meunier, parmi d'autres sujets très culturels.
Je retiens plusieurs choses intéressantes et aimables.

D'abord, le blog du meunier parle trop du meunier alors qu'il n'est pas seul au monde et que ses états d'âme nous lassent. A-t-il pensé un seul instant, ce meunier, à la souffrance personnelle du lecteur ? Pourquoi lui imposer la sienne ?
Ensuite, il y règne une atmosphère de petites culottes (quand elles sont là) dérangeante, voire immorale.

- Oui, mais si tel lien ne te plaît pas, tu ne cliques pas, tu peux rester sur la page principale pour autant qu'elle mérite cet honneur.
- C'est vrai. Mais je ne sais pas pourquoi, je clique quand même.

En clair, le blog du meunier serait une incitation à la mortification, à l'égocentrisme de son auteur et à la débauche.
Je me souviens d'une époque où on l'aurait fait fermer d'office, d'autant plus facilement que la cinquantaine de lecteurs qui le fréquente chaque jour a largement de quoi lire ailleurs. Aujourd'hui, c'est hélas plus compliqué. C'est au meunier lui-même de fermer son blog. Bien sûr, il y réfléchit souvent maintenant qu'il a (presque) compris la leçon.

Oui, trop d'amertume, trop de tristesse, trop de nudité, trop de tout ce qui ne va pas et pas assez de ce qui va bien.

Amis lecteurs, n'hésitez pas à donner votre avis sur cette question essentielle de la semaine : faut-il oui ou non fermer le robinet des pensées du meunier ? Un petit avis en bas du message suffira. Si vous préférez, vous pouvez aussi mettre deux mots à kerangok@gmail.com.

Merci à toutes et à tous.

Yann, Les pensées du meunier.

mercredi 15 février 2012

Armel Renault (1952-2010)

Armel Renault
Tu venais d'avoir cinquante-huit ans, l'âge mûr des premiers regards distants sur l'agitation de la vie qui nous dévore. Et puis voilà, le 15 février 2010, cette distance est brutalement devenue infinie.
Cela fait juste deux ans aujourd'hui, mais c'était hier. Incrédules, puis révoltés d'une telle injustice de la vie, tes amis et ta famille ont accompagné et dispersé tes cendres autour du moulin de Bertaud.

Je suis revenu plus tard errer près du moulin. A ma vue, les colombes de la ferme proche sont venues à tire d'ailes m'assurer que tu étais bien là. Dans le silence de la colline qui surplombe Bain-de-Bretagne, même les oiseaux se sont tu en restant près de moi. Nous étions ensemble à sentir ta présence pour toujours en ce lieu dans lequel tu avais su auparavant distiller tant de magie.

Ce que j'avais à te dire, je te l'ai déjà dit mais je reste aujourd'hui encore avec le goût ambigu de ce silence. Le silence, cette antichambre de l'isolement, du repli et de l'incompréhension...

Notre sœur Annaig a su dire les choses avec pudeur, douceur et complicité. Je me souviens encore de certains de ses propos.

Erruet out e penn hent mab-den, Armel, er vro dianav da bep hini ac’hanomp : bro ar c’hevrin meur… N’eus bet den distroet evit he c’hontañ deomp. Bremañ e ouezez. Dizoloet ac’h eus ar pezh a blije dit kement : kompren teñzor ar vuhez…
Te voici arrivé, Armel, au bout du chemin des hommes, dans ce pays qui nous reste totalement inconnu : le pays du grand mystère… Personne n’en est jamais revenu pour nous en dire quoi que ce soit. Maintenant, toi, tu sais. Tu y as découvert ce qui te plaisait tant : d’autres façons d’être.
Oui, Armel, tu aimais les modes culturels différents, le patrimoine qui en découlait et tu y as donné beaucoup de ton temps. Tu aimais montrer les objets forgés par l’Homme et trop vite oubliés de lui, tu aimais les langues qu’il avait imaginées pour dire les replis de l’âme, et tu les transmettais. Enfin, par-dessus tout, tu étais passionné par ce que l’homme avait su faire de ces langues que tu parlais : des chants pour rire, des chants pour pleurer, des chants pour questionner l’incompréhensible de la vie.
Des chants pour rire, des chants à danser. Ah ya, na pegen brav da vouezh pa oaz o kanañ ha diskanañ er festoù-noz ! Ha soñj 'm eus c'hoazh pegen laouen e oamp o kanañ asamblez e Pederneg da genstrivadeg kan-ha-diskan. Ar c'hentañ prizh ! Ya, ar c'hentañ priz... Lama Meur ha Yann-Vari oc'h ober dañsal kantadoù tud , hag anezho ar re wellañ e Breizh evit ar mare ! Pelec'h emañ bremañ skeudennoù ar fest, nemet em fenn hag em spered...

Hier, Annaig s'est élancée à son tour dans l'odyssée des Celtes, vers ce pays du grand mystère comme elle le nommait. Une autre révolte, une autre injustice de la vie biologique. Ce ne sont pas des colombes, mais deux moineaux sur la haie qui m'ont annoncé son grand départ, en même temps que mon téléphone sonnait.

Nous nous retrouverons tous ensemble dans la grande lumière qui nous guide sur Terre, que nous craignons et qui nous attire. Nous nous retrouverons à faire danser les Bretons de Tír na nÓg sur un air de pachpi. Nous nous retrouverons pour discuter de ce silence que je n'ai pas compris. Et ça sera bien. Ha plijadur 'vo, ya sur !

© Yann, Soñjoù ar meilher.

samedi 11 février 2012

Cherche le trait d'union...

 Idir - Pourquoi cette pluie ?


Tant de pluie tout à coup sur nos fronts,
Sur nos champs, nos maisons,
Un déluge, ici l'orage en cette saison,
Quelle en est la raison ?
Est-ce pour noyer tous nos parjures?
Ou laver nos blessures ?
Est-ce pour des moissons, des terreaux plus fertiles ?
Est-ce pour les détruire ?

Pourquoi cette pluie ?
Pourquoi, est-ce un message, est-ce un cri du ciel ?
J'ai froid mon pays, j'ai froid,
As-tu perdu les rayons de ton soleil ?
Pourquoi cette pluie ?
Pourquoi, est-ce un bienfait ?
Est-ce pour nous punir ?
J'ai froid mon pays, j'ai froid, faut-il le fêter ou bien le maudire ?


J'ai cherché dans le livre qui sait,
Au creux de ses versets,
J'y ai lu : "cherche les réponses à ta question, cherche le trait d'union"
Une mendiante sur mon chemin,
Que fais-tu dans la rue ?
Mes fils et mon mari sont partis un matin,
Aucun n'est revenu...

Pourquoi cette pluie?
Pourquoi cette eau ? ces nuages qui nous étonnent ?
Elle dit : cette pluie tu vois,
Ce sont des pleurs pour les yeux des hommes,
C'est pour vous donner des larmes,
Depuis trop longtemps elles ont séché,
Les hommes n'oublient pas les armes quand ils ne savent plus pleurer,

Coule pluie, coule sur nos fronts...