Seule, au loin, l'installation d'un mareyeur grésillait faiblement près du moulin-mer. Même les oiseaux respectaient le calme des lieux et s'affairaient sans bruit à traquer de modestes palourdes dans la vase.
L'hiver se prolongeait un peu trop et Paul était lassé de ce crachin persistant, pénétrant et froid, qui glaçait le sang et l'esprit. Cela faisait une heure qu'il longeait le chemin sans but précis. Il était ici comme il aurait été ailleurs, loin de chez lui. C'était ainsi, il faut bien être quelque part à chaque instant et le voisinage de l'estuaire et du domaine boisé du Hénant était probablement plus profitable que celui du domicile.
En cheminant sur la terre et les feuilles mortes, Paul faisait le vide dans sa tête, loin des éternels devoirs de la condition humaine. Il faisait corps avec la nature. Les courlis, les chênes séculaires, le coucou sonore et secret, tous les êtres en place le rappelaient à une autre condition, plus forte et plus conforme à ce qu'il sentait de la vie.
Tout-de-même, cette grisaille durable devenait insupportable, se disait-il tandis qu'il relevait le col de son manteau. Paul grommelait intérieurement quand il abordait le dernier virage du sentier. Et brusquement, sous ses yeux incrédules, un puits de lumière transperça le manteau gris du ciel et vint frapper durant quelques instants les prairies en face de lui, de l'autre côté de la rivière.
(c) JMR |
Il s'arrêta, contempla cette énergie éphémère puis repris sa marche. Il s'avait que la nature avait lu ses pensées. Il se rappela le poème d'Eugène Guillevic, le chêne qui parlait ou se parlait. A n'en pas douter, les êtres des lieux avaient entouré Paul de leur bienveillance.
Il suffit de penser et de sentir les signes, se dit Paul tandis que, une fois rassasié de cette illumination, il terminait rapidement sa marche sous une pluie naissante. Le printemps viendra bien, si on sait l'observer.
Yann, soñjoù ar meilher.
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