dimanche 1 mai 2011

L'épaisseur des âmes

Colm Tóibín est un auteur irlandais qui a plutôt le vent en poupe chez lui et aux États-Unis, mais qui reste encore peu connu de ce côté-ci de la Manche. Ses écrits retracent généralement des ambiances tendues, parfois dramatiques, dans des contextes historiques souvent douloureux : émigration irlandaise, guerre des Malouines, histoire récente de l'Irlande, crise de l'Eglise... Chaque ouvrage est pour Colm Tóibín l'occasion de visiter les rapports entre femmes et hommes, entre générations, entre frères et sœurs.

Dans L'épaisseur des âmes, ensemble de nouvelles publié en 2008, l'auteur a choisi d'évoquer la relation mère-fils, dans des contextes très divers mais avec le parti-pris d'une conclusion constante : cette relation est porteuse d'attentes qui, par leurs excès, ne peuvent conduire qu'à la déception ou au conflit.


Ce recueil de neuf nouvelles est une chaîne d'écrits où l'incompréhension et la désillusion de la relation entre mère et fils constituent un fil directeur constant, et un prétexte à la visite de l'âme humaine.
Dans L'usage de la raison, c'est un cambrioleur inculte, prêt à brûler un Rembrandt pour se sortir d'un mauvais pas policier, qui est trahi par sa mère ivrogne un jour de pleine ébriété. Dans Une chanson, un jeune amateur de musique irlandaise, bien connu dans les pubs de Clare et de la région pour les concerts qu'il donne régulièrement en soirée avec ses copains, découvre sans y être prêt sa propre mère inconnue de lui, célèbre chanteuse émigrée en Angleterre, et dont il attend depuis si longtemps un geste de reconnaissance, une parole maternelle, un simple regard qui ne viendra pas. Le ticket gagnant retrace la façon dont Nancy, récemment veuve, élevant dignement ses deux filles et son fils à la tête d'une épicerie dont elle assure désormais la direction, s'adapte courageusement aux circonstances dramatiques de sa vie en s'émancipant peu à peu du regard réprobateur de sa petite ville. Son énergie farouche, à l'origine de tant de jalousies locales, la conduira à la fois à une vie matérielle plus confortable à Dublin, mais aussi à la trahison de son propre fils Gerard, adolescent courageux et talentueux prêt à reprendre l'affaire familiale, tellement investi dans la réussite sociale de sa mère qui se retourne désormais contre lui.


L'environnement dans lequel évolue l'écriture de Colm Tóibín est sombre et tendu, mais cette tension n'est qu'un procédé pour visiter le lien filial entre deux âmes, à la fois unies et isolées.

Au-delà de l'intention et du thème qui font la force de ce recueil, l'écriture déçoit un peu. Le style était annoncé comme "envoûtant" par certains critiques. Nous en sommes sans doute assez loin, et ce pourrait être là une faiblesse de l'ouvrage. Mais c'est peut-être aussi, pour l'auteur, une façon de contribuer involontairement à la mesure de l'exacte épaisseur des âmes...

Ar Meilher, Les pensées du meunier.

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