mardi 10 mars 2009

Un aller simple

"Un soir où il déprimait à la bière, je lui ai raconté une des légendes de mon atlas. Ca se passait à Cuba, c'était l'histoire de José Luis, un garçon de notre âge qui chaque nuit devenait un jaguar, grâce à la magie vaudou qui apprend à sortir de ses rêves sous la forme que l'on veut. Et il consacrait ses nuits, José Luis, à essayer de séduire une femelle jaguar qui ne voulait pas de lui. Il était très malheureux et, au lieu de faire son travail de jaguar, chasser pour nourrir ses petits, il sombrait dans le désespoir - et de même pendant la journée, où il négligeait de couper sa canne à sucre pour soupirer après la femme d'un autre - si bien qu'à la fin les esprits vaudou en ont eu marre, et un matin on a retrouvé José Luis, sur son lit, dans son corps d'homme, dévoré par le jaguar de ses rêves.
Pignol avait haussé les épaules en disant que j'étais un utopiste. Ca m'avait déçu qu'il ne comprenne pas le sens de mon histoire, qui était pourtant clair : si on se laisse aller au désespoir, on finit mangé par les rêves qu'on a vécus de travers.
J'ai quand même cherché "utopiste", dans les dictionnaires de la FNAC. C'est un M. Morus qui a inventé ce nom en 1516, d'après les mots grecs signifiant "qui n'existe en aucun lieu". C'est agréable. "

Didier van Cauwelaert, Un aller simple.

1 commentaire:

  1. Il faut dire, tout d'abord, que je suis anglophone.
    En lisant ce texte, je ne'ai pas saisi ce que signifie "il déprimait à la bière".
    Quelqu'un pourrait me l'expliquer?

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