Eglise Ste-Rita (photo JMR) |
Un modeste signal, passé presque inaperçu, aurait du cependant nous donner quelques raisons d'espérer.
Le culte catholique voue en effet une vénération particulière à Sainte Rita, nourrie au berceau par le miel d'abeilles bienveillantes, mariée de force à un soudard, et morte dans la plus grande pauvreté au monastère de Ste-Marie-Madeleine de Cascia. Elle fut canonisée au début du XXème siècle, et considérée comme l'avocate des causes désespérées.
Il existait à Paris jusqu'au mois de mars 2015, au 27 de la rue François Bonvin, une église dédiée à la mémoire de Sainte Rita. Ne cherchez pas ce lieu de culte sur les annuaires des églises catholiques romaines : le culte gallican qui s'y exerçait est ignoré des registres officiels, et l'église Ste-Rita est absente de toute référence. Sans doute les rites qui s'y pratiquaient, notamment la bénédiction des animaux, devaient-ils ajouter une épaisseur supplémentaire au contentieux qui oppose depuis Bossuet les tenants des papistes et les adeptes d'une Eglise française... On le sait depuis longtemps, les religions ne sont pas des fabriques d'amis.
Cette modeste église Sainte-Rita de la rue François Bonvin, promue au rang de cathédrale de l'Eglise Gallicane de Paris, a fermé ses portes dans le silence qui sied à tout décès raisonnable. Pas ou peu de propos médiatique, juste le regret exprimé par quelques uns de ne plus pouvoir désormais bénir son chien, sa tortue, son lapin ou son chameau domestique.
Paul, dans sa naïveté, avait pensé que la fermeture du lieu de culte était la conséquence d'une élévation du bonheur humain : la fin prochaine des causes désespérées ne justifiait plus le maintien de la mémoire de Sainte Rita et de la pratique de son culte.
De passage il y a peu de temps dans le 15ème arrondissement parisien, à une encablure de la rue Lecourbe où ses souvenirs de jeunesse étaient intacts, Paul avait du revoir son optimisme à la baisse.
Non, il n'était peut-être pas encore établi que tout allait pour le mieux sur cette Terre, à en croire certains. Les décapitations d'innocents, les fuites radioactives dans l'océan, la disparition quotidienne de langues et de cultures devenues rares, tout ceci risquait de durer encore un peu, le temps que l'homme devienne Homme. Paul pensa que cela prendrait du temps.
La fermeture de cette modeste église n'était pas liée à une inutilité bienfaisante : elle avait été ordonnée par la vente immobilière de ce bien à un promoteur hégémonique. Paul se dit, en quittant les lieux définitivement fermés, que la survie de cette église dans ce pâté de maison constituait elle-même une cause désespérée... Visiblement, l’esprit de Margherita Manchini, dite Sainte Rita, avait définitivement quitté les lieux.
Dans la liste des calamités humaines, Paul ajouta "promotion immobilière". Il ne comprenait d'ailleurs pas comment sa naïveté avait pu le conduire à un tel oubli. Heureusement, il marchait maintenant avec gourmandise rue Lecourbe et s'apprêtait à pénétrer dans le calme hors du temps de la petite impasse de la Villa Poirier. Les causes désespérées attendraient un peu.
Yann, Soñjoù ar Meilher.