lundi 3 février 2014

Aimer

« Aimer, c'est essentiellement vouloir être aimé. »

Jacques Lacan (1901-1981)


"Vous avez quatre heures. On ne sort pas avant la fin de la première heure. On range sa calculatrice. Et j'aimerais un peu de silence là-bas..." ordonna le surveillant de salle.

Les meilleures conditions étant enfin réunies pour aborder sereinement la question posée, le public adolescent présent dans la salle d'examen put se concentrer peu à peu sur un sujet dont le seul enjeu consistait à obtenir une bonne note. L'amour, on verra après.


Yann, Soñjoù ar meilher.

2 commentaires:

  1. Question intéressante qui mériterait des heures de discussion...

    La question pourrait être : Quel est mon intérêt premier à aimer quelqu'un ? et est-ce vraiment mon intérêt ?

    L'homme se pense très habile pour savoir ce qui est bon pour lui. La récompense est un mécanisme naturel de survie ancré en lui depuis des millions d'années. Donner le moins possible pour recevoir le plus possible est un phénomène qu'on retrouve dans tous les domaines de la société et à toutes les époques. L'homme a besoin de combler toujours plus un vide, un manque existentiel. Plus de pouvoir, d'argent, d'amour, de reconnaissance. Un puits sans fond qui a sans doute permis sa survie au fil du temps, mais qui est aussi la cause de ses tourments les plus profonds.

    Aimer pour être aimé, c'est installer à nouveau un rapport de force, un rapport de gain et de perte entre les deux parties. Du coup, peut-on encore parler d'amour ? Ou est-ce utiliser l'autre à ses propres fins ? Pour combler quelque chose en nous qui nous terrorise ? Vouloir être aimé, c'est, dans tous les cas, mettre son propre bonheur dans les mains d'un(e) autre, et c'est donc se condamner à souffrir. Seul le sage, qui a compris qu'il n'y a rien ni personne à combler et que gain et pertes ne sont que des illusions, peut demeurer aimant envers tous, de façon impartiale et désintéressée. Il n'attend rien de personne, et vit ainsi libre, léger et heureux.

    Aimer est sans doute indispensable à la vie (un nourrisson, sans l'amour de parents attentionnés pour s'occuper de lui, décéderait en quelques heures). Mais la question de "vouloir être aimé" ne se pose qu'à l'être humain et à ses dérèglements psychiques et émotionnels. Un chêne, un fou de Bassan ou une étoile de mer, a priori, ne se préoccupent pas de vouloir être aimé. Le pommier offre ses pommes au monde entier sans se demander ce qu'il aura en échange. La vie, d'une manière générale et dans son infinie sagesse, suit son cours naturel sans se poser cette question.

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  2. Mon cher Gooroo, vous avez écrit une très belle page. Vous avez objecté à Lacan des arguments qu'il aurait du entendre. Peut-être aurait-il enfin pensé que la psychanalyse est un exercice mental qui, certes, nourrit grassement le psychanalyste, mais surtout nous éloigne de la vraie compréhension du Monde.
    Je préfère quant à moi le chant donné par la mésange ou la fraîcheur donnée par la rosée. Ce sont des minuscules partages, des dons sans contreparties, des attachements essentiels. Nous n'avons pas à vouloir être aimé : il nous suffit d'être comme nous sommes, à la façon du pommier ou du fou de Bassan.

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