mardi 1 juin 2010
Copie conforme ?
Le dernier film d'Abbas Kiarostami pourrait paraître bavard et intello. Il l'est sans doute, et il vous faudra franchir le premier quart d'heure pour réaliser que, finalement, l'entrée de la salle méritait d'être payante.
Thème difficile à aborder, avec le risque évident de tourner en rond et de lasser... Au début, ce sont les paysages doux et pastel de la Toscane qui sauvent la production et retiennent l'œil. Une route, des virages, des arbres qui sembleraient identiques et qui ne le sont pas. Chacun est original, nul n'est copie d'un autre. Une route sans but apparent, qui réunit dans une voiture un couple qui a été, ou qui va être, ou qui est...
Nous cherchons tous à refaire. Refaire ce qui a été. Retenter en rêve ou en chimère la séduction du premier jour. Revivre le premier jour, cette nuit de noces, cette nuit d'amour si présente en nous, mais si définitivement éloignée. Nous voulons tous que l'original se poursuive à l'infini, nous tende perpétuellement, alors qu'il n'est plus et ne sera plus, et que nous devrons nous satisfaire de copies quotidiennes. Peut-être presque aussi belles que les moments originaux, mais qui ne sont malgré nous que des copies.
Peu importe que ce couple ait vécu quinze ans ou mille ans, ou un quart d'heure. Le film nous fait hésiter entre l'instant présent et l'amnésie du passé. Son amnésie à lui. Quant à elle, incarnée par une Juliette Binoche admirable de candeur, de naïveté et de sensualité, sa mémoire semble s'être arrêtée à l'original. Le mariage, le lit de noces, l'odeur d'homme de l'oreiller plus présente que jamais.
Nous vivons tous plongés dans cette mémoire du passé original, absents du temps présent qui n'en serait qu'une copie, au risque du repli ... ou, au contraire, présents dans chaque instant d'aujourd'hui, dans chaque original éphémère qui ne connaîtra jamais de copie ou d'écho à venir, au risque de l'amnésie.
Ar Meilher, Les pensées du meunier.
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