Cette porte d'arrivée dans Paris, reliant sans véritable transition les meuniers bretons échoués dans les années 1930 sur les quais de Montparnasse, avec femme et enfants, dans le concert des Pacific fumant de toutes leurs ouïes, aux salons feutrés les plus intellectuels de St-Germain-des-Prés, et peut-être de l'Europe entière...
La rue de Rennes est un coup de sabre, vif et tranchant, imposée à la poésie du VIème arrondissement. Elle est une liaison improbable entre deux quartiers dont les vocations se sont toujours ignorées. L'architecture du baron Hausman et les ajouts Art Déco de l'immeuble Félix Potin se sont vu bousculées dans les années 1970 par une intrusion monumentale et phallique que nous serions si heureux de voir rasée un jour.
Les Magasins Réunis ont disparu, remplacés par un célèbre temple commercial du livre et de la vidéo. Les vastes Bugatti et Delahaye ont cédé leur place aux Tractions Avant, puis aux R8, puis aux Twingo. Les galeries de tableaux ont fermé, bousculées par l'irruption des distributeurs de billets.
Les générations se suivent et s'ignorent. L'économie a pris le pas sur l'Art. Mais il reste un geste qui traverse les âges et que personne ne pourra réparer : ce fameux coup de sabre, vif et tranchant, imposé à la poésie de tout un quartier.
Ar Meilher, Les pensées du meunier.