lundi 22 février 2010

Méfions-nous de l'eau qui dort

Le cinéma coréen, comme son cousin du Japon, a construit un art subtil dans lequel tous les sentiments ne forment qu'un ensemble, que notre pensée logique peine à qualifier.
La paix et la violence, l'amour et la haine, la beauté et la laideur ne sont que des valeurs extrêmes d'une même entité du quotidien.

Il faut la sensibilité subtile de Kim Ki-Duk, le réalisateur de l'Ile, pour camper de telles pulsions de mort sur ce lac si calme, si protégé, si simplement beau. Le silence des habitants de passage, la brume sur l'eau dormante, les rencontres d'amants dans ces alcôves flottantes, la patience intemporelle des pêcheurs à la ligne...

Toute cette langoureuse étendue d'eau héberge dans ses bicoques flottantes et sur sa côte une population énigmatique et éphémère, tissant un réseau de forces extrêmes et insoupçonnables. Cet écrin pacifique, niché douillettement au creux des collines d'Extrême-Orient comme le serait un enfant endormi entre les deux seins de sa mère, sera le creuset d'une profonde pulsion d'amour, jusqu'à la folie, le témoin d'une mort silencieuse et terrifiante, comme une lente et évidente déliquescence des corps et des esprits.

 Méfions-nous toujours de l'eau qui dort. Si nous nous penchons à sa surface, nous y voyons la partie cachée et refoulée de notre être, celle que nous voulons ignorer et dont Kim Ki-Duk nous rappelle, dans l'Ile, l'existence absolue.

Ar Meilher, Les pensées du meunier.

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