dimanche 6 avril 2014

L'Ukraine, une leçon d'humilité.


Lors de la chute du mur de Berlin il y a bientôt 25 ans, nous avons tous salué l'autodétermination des anciennes républiques soviétiques à prendre leur indépendance. Les murs d'alors tombaient les uns après les autres, de leur propre poids et sous l'effet de leurs propres lézardes.
Dans ce contexte, la petite Ukraine se libérant du joug soviétique nous a transportés d'enthousiasme.

Mais c'était peut-être alors oublier que nous confondons trop souvent "soviétique" et "russe". En réalité, l'Ukraine libérée a emporté avec elle les ferments de sa crise actuelle. Elle n'a pas su trouver un équilibre nécessaire entre la majorité ukrainophone et la forte minorité russophone. Pire, en réaction aux risques d'allégeance du dernier président déchu à son voisin russe, et suite à son refus de signer tout accord avec l'Union européenne, la majorité ukrainienne s'est engagée dans une voie territorialement suicidaire : retirer au russe le statut de seconde langue officielle.
Il n'en fallait pas plus pour que l'immense majorité de la population de Crimée, qui ne s'est jamais sentie ukrainienne et qui avait été artificiellement rattachée à l'Ukraine en 1954, exige sa séparation.

La majorité ukrainienne, dont nous avons si ardemment salué la libération au début des années 90, se trouve aujourd'hui dans la position de l'arroseur arrosé : qui pourrait raisonnablement soutenir l'intolérance affichée par Kiev ?
Ce contexte a évidemment profité au Kremlin, soucieux de rassembler les fragments de la nation russe au sein d'une seule grande république. On l'a vu récemment en Abkhazie dans le Caucase.

L'Ukraine, qui a eu longtemps tout notre soutien face à son encombrant voisin, s'est piégée elle-même. Il en va de même de l'Union européenne, qui avait soutenu bruyamment l'autodétermination du Kosovo en faisant ouvertement intrusion dans les affaires d'un pays tiers, et qui s'est déconsidérée publiquement dans le débat sur la Crimée en reprochant à la Russie d'en faire autant...
Ces faiblesses et ces erreurs coupables des uns et des autres ne peuvent qu'alimenter les motifs du maître du Kremlin pour se saisir de cette aubaine.
D'ailleurs, il est à noter que les opposants russes à Poutine, qui étaient si présents il y a encore quelques mois sur la Place Rouge pour dénoncer la tyrannie de leur régime, ont fait ici preuve d'un silence révélateur : même les "libéraux" russes, ouverts à la culture occidentale, semblent n'avoir pas soutenu la révolution ukrainienne.

Car derrière ce débat est/ouest de façade se cache une autre réalité historique infiniment plus forte : la vitalité et la protection de la nation russe face à ce que, sincèrement ou par effet d'aubaine, celle-ci considère comme une attitude d'agression à son égard.
La fragile majorité au pouvoir en Ukraine, en humiliant les russophones, a commis l'irréparable. On s'en voudrait presque de l'avoir soutenue, quand on la croyait menacée par le voisin russe.

Yann, Soñjoù.