vendredi 8 janvier 2010

Los craignos

Ay, caramba !
Je suis le redouté. Non pas le peintre sensible de nos roses, celui dont les œuvres occupent des places de choix dans les livres bourgeois et feutrés. C'est tout l'inverse. Je suis le redouté que l'on craint, le cow-boy qui éructe des ordres méchants, qui tyrannise l'ado et qui effraie l'adulte.
Tenez, tout récemment. Je prête le ranch à des amis, connus et inconnus, pour leur permettre de mieux aborder le toujours difficile passage vers la nouvelle année. L'espace est vaste, la ville est loin, les amis sont entre eux et refont le monde une nouvelle fois, comme nous l'avons déjà refait. Comme leur progéniture, qui n'est pas encore à l'étude, le refera surement. Chaque soir, on se rapproche du grand soir. Pour ça, il faut du feu dans la cheminée, de l'eau dans la rivière, des hululements d'oiseaux de proie pour frissonner un peu. Et des bouteilles réconfortantes, précieuses compagnes des hommes en ce trop rare genre d'occasion, devant tant d'inconnu et d'angoisses en germe.
Cette mise à disposition bien naturelle n'appelait rien de particulier. Elle était source d'un bonheur simple, celui de savoir que d'autres sont heureux, juste parce que vous y avez un peu contribué.

Crash à l'atterrissage. Il n'y aura pas de mot gentil, pas de message, pas même de signal subliminal. La vacheté de la vie, c'est l'univers du cow-boy. Il ne le savait pas, ce gardien de vaches et de moulin, mais il aurait dû, ça lui aurait évité de nouvelles ecchymoses : il est tellement craint qu'on ne lui dira pas la vérité. La vérité vraie et nue. Non pas que son banc de bois a été cassé dans l'enthousiasme bien innocent des ardeurs de la St-Sylvestre. C'est là une vérité négligeable, comme un genre de cotisation involontaire et supplémentaire à la fête des autres.
Non, la vérité est que le meunier n'est pas un gentleman farmer : c'est un tyran qui ose exiger des innocents qu'ils aillent fumer dehors, ou encore qu'ils veillent à couper le chauffage au départ des convives. 
A ce régime-là, le meunier est même un pervers : il a prêté ses terres pour mieux asservir l'inconnu. Il se croyait généreux, il n'est qu'un égoïste.
Mais surtout, restez à distance et ne le lui dites pas : on vous a dit qu'il fallait le craindre.

Ar Meilher, Les pensées du meunier.

1 commentaire:

  1. Mais le soi, le meunier, le redouté, le généreux, l'égoïste, existe-il vraiment ? Qui le définit ainsi ? La vérité vraie et nue ? ou une élaboration mentale, par nature éphémère et conditionnée ? là est toute l'affaire...

    Quand il y a soi il y a conscience de l'autre. Du soi et de l'autre naissent attachement et répulsion, et de la combinaison des deux proviennent tous les maux.
    (Dharmakirti)

    RépondreSupprimer

Mon commentaire sur ton blog.